Les livres recette du deuil se trompent tous. Le soi n’est pas diminué de moitié au décès de l’autre. Ce parce que le soi, ni l’autre, ne se sont jamais diminués de moitié pour accueillir l’autre et faire avec elle un entier. Puisque le soi et l’autre restent entier dans leur relation, l’annihilation de l’autre ne laisse pas un soi diminué d’une moitié qu’il aurait à reconstruire comblant une demi-partie manquante.
Ces livres se trompent parce qu’ils ne connaissent rien de la relation, ne comprennent rien de la communauté de relation, accrochés qu’ils sont à sa brisure.
Dans la relation, le soi reste entier autant que l’autre qui est entier. Ce que la relation fait naître, c’est une espace entre soi et l’autre, et cet espace est le monde, est le sens, est l’entier du réel. Il est la demeure (Hof, home), il est la communauté qui fait exister et le soi et l’autre.
Cet espace construit par et pour l’un et l’autre, entre l’un et l’autre, est dans la relation la seule raison de vivre de l’un et de l’autre.
La mort de l’autre n’est pas pour soi sa mort, sa disparition – ceci est de peu de peine. Ce n’est pas non plus l’amputation d’une moitié de soi – qui n’est qu’une scandaleuse erreur de compréhension. La mort de l’autre c’est la ruine, le désastre, l’annihilation de l’espace commun, de la demeure. La mort de l’autre prive le soi non de lui-même mais de sa seule raison de vie, de la vie, du réel, du sens ; elle le prive de monde. Le soi qui reste vit sans exister (ex-ister, à savoir vivre avec un dehors). Il ne survit que sans monde, en lui et pour un lui privé de sens, exilé à tout jamais de la vie.
On pourra dire que Romain, notre fils, désormais le mien seul, est celui qui a été créé par cette communauté de relation, et qu’avec lui je puis la faire perdurer. Il n’en est rien : la relation à l’enfant est de responsabilité - dépendance, ce n’est pas une relation libre (d’où l’immémorial tabou de l’inceste). Il est le tiers de notre relation, le reste, la ruine qui en témoigne.
Rien ne comblera jamais l’esprit de cette communauté qui, un temps m’avait fait exister - avant il n’y avait rien, l’après n’est pas une question qui puisse envisager de réponse.
Capture
Gauche : Col de Bonaudon, 12.06.2017 ; droite (montage), Col de Bonaudon, 12.06.2017 et Marseille, 4.08.2014
Sony ILCE-7, Zeiss FE 1.4/50 mm, gauche : f 4, 1/160, iso 100 ; droite : fragments montés
Edition
Diptyque .arw > .psd, 12200 x 4000 px, images, chacune, 6000 x 4000 px, 9.12.2024
Epreuves
Pas d'épreuve
Texte et liens
Vevey, 24.12.2024