observer - contempler - spéculer

L'amour, séquence 1 : le cri. Journal des prompts Midjourney

Vevey, janvier 2024

L’amour, texte de Marguerite Duras, imprime en l’esprit des visuels décisifs, fulgurants, alors même que la narration est indécise, ténue. Les mots n’y déterminent pas une récit, ils y hallucinent des images. La temporalité de leur lecture ne fait pas histoire, mais itération de scènes appelant une cinématique, autre vision de l’image-cinéma.

Midjourney hallucine des images à partir de mots, en une sorte de nominalisme pictural. L’IA détermine une occurrence à travers des potentiels de valeurs juste/faux, attribuant aux mots des images tout en ignorant totalement leurs significations et référents. La génération image puise en des fonds inconnus et se manifeste à travers des processus indéterminables. L’image résultante d’un prompt fulgure dans l’indécision historiale, narrative, significative des mots. Elle s’imprime néanmoins comme décisive.

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Fuite baroque

Vevey, février 2022

Ce que l’œil voit, le regard se le raconte. Mais voir est d’instant, dire dans la durée. Ce qui se raconte du vu est de l’immédiat courant à la vitesse de l’œil, gigue. Ne peut se fixer, se dire que la fugue, variation du flux rapide, percevant les reprises, tour, retour et détournements de formes. Vite, noter avant la fuite.

Avoir fait de la peinture, l’avoir étudié, puis enseigner l’image contamine l’œil du photographe. Je vois, choisis l’optique, détermine cadre, angle, axe, composition ; évalue lumière, ouverture, diaphragme ; retiens une profondeur de champ ; mais avant tout, derrière l’appareil photographique, c’est à la peinture que je pense, qui se réfléchit, prédétermine – est devant. Certaines peintures me pensent. Maniérisme, baroque, classicisme : instants de l’œil ; fixés, vite, en fuite de notes..

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Psycho : percée et saillance

Vevey, février 2022

Je devrai écrire sur Psycho d’Alfred Hitchcock – mais tant a déjà été écrit, et j’ai paresse de lire sur ce que j’ai vu. Créditant un processus exploratoire, voir et décrire – dire, j’ai défiance à voir et lire – entendre, dans un procès explicatif. Et sans doute ce que je pourrai trouver a-t-il déjà été découvert, d’où la paresse.

Je me contente ici de quelques notes, et du recueil des instants clefs qui m’ont le plus marqués. A voir si, ardeur retrouvée, j’en fait un texte qui puisse rejoindre ce que j’explore : le double mouvement de percée – retrait dans le trou – et saillance – pointe de surgissement, examiné à propos des peintures de Caravage, dans le petit essai Temporalité dans La corbeille de fruits. Hitchcock, instant de surprise et temps du suspens, citant bien quelques œuvres baroques dans Psycho.

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Temporalité dans La corbeille de fruits du Caravage

Vevey, février 2022

Hapax dans le corpus des œuvres connues et attribuées au Caravage, le fond lumineux de La corbeille de fruits fait de ce petit tableau la charnière entre les premières œuvres du peintre, d’évocations morales, charmantes ou anecdotiques et ses grandes réalisations catholiques, ténébreuses et spectaculaires.

Les fruits mettent en scène, en espace, une temporalité ; d’autant que gâtés ils semblent appeler, à l’instar des vanités de la Réforme, les vertus morales du Memento mori. Pourtant, Caravage brise espace et temps en un double battement qui fait à la fois surgir la corbeille hors du fond et surgir le fond en avant de la corbeille. Cet instant de brisure incarne et révèle le regard dans une brûlure fulgurante qui appelle celui qui voit à la conscience qu’il voit, qu’il vit sa vue et qui, dans un cri, vit ce qui est peint.

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Photographie et temporalité

Vevey, 2018 - février 2022

A l’ère de la reproductibilité numérique, tous prennent et partagent des images, peu voient ce que ces images rendent et donnent. Le flux de production, diffusion et consommation aura achevé la perte de l’aura, cet instant d’une singulière trame de temps et d’espace : l’unique apparition d’un lointain, si proche soit-il.

Les images photographiques ne sont l’affaire que d’un instant, ce qui nous pousse à les surconsommer, surdiffuser et surproduire sans cesse. Reproduction, rediffusion et reconsommation ne devenant que la répétition d’instants, en flux, qui nous tiennent lieu de temps. L’instant photographique peut être plus que son cumul. Réduit à son unicité d’instant, il peut ouvrir le temps, découvrir l’histoire, donner sens, narration, rendre mémoire, sens. Ceci est l’histoire d’une image, d’un instant.

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Autrui, note d'intention

Vevey, 2017 - mars 2018

Autrui me rend étranger au monde, m’exile de moi-même. C’est de ne pas s’avouer cette terreur qu’en réaction à son irruption se constitue son rejet, son exclusion et notre actuel repli identitaire, national-populiste. C’est l’ignorance de notre néant qui nous abîme, somnambules, dans l’état de servitude volontaire d’un monde post-truth.

Cette note d’intention est champ de recherches ouvert par la série photographique Autrui (2017). Elle rencontre ce à quoi s’opposer, mettant à jour la question sans réponse de l’identité, autant affirmée qu’impossible ; ce que côtoyer, visuellement et textuellement, en une narration mise en doute ; ce que développer, en regard des rencontres tierces, de mon vécu présent ou des ses réalisations passées. Moins qu'un programme, s'établit ici un préliminaire d'idées à déployer.

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Voir, perce–voir, a–percevoir

Genève, Vevey, 1993 - mars 2017

Première version, 1993, déposée en mémoire de diplôme de fin d’étude à l’Ecole supérieure d’art visuel de Genève, Esav (Head) accompagné par la professeure Liliane Schneiter, lecteurs : Giairo Daghini et Louis Schneiter ; version retravaillée, modifiée et complétée de 1994 à 1997, puis de 2014 à 2017.

D'ordinaire un mémoire affirme une position artistique bâtie. Non ici : chantier, il est fouille où je puise. Il y maque palplanches, assainissement, toute fondation – et même le plan. Ce parce l’étude est la recherche même des fondations ; de ce qui comme artiste m’occupe. Les plans peut-être suivront, et avec eux quelque portance : dalle, murs, portes, fenêtres et toiture, si quelque éclaircie advient. A moins que tout ne s’effondre et ne m’ensevelisse. Etre-art à sa limite : “vanishing point des Kunstseins”.

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Courbet, outre-monde

Vevey, août 2016

Au centre optique de nombreuses peintures de Courbet, il y a le noir ; absolu. Le rien du visible ou le tout de matière ; un gouffre qui attire l’œil vers ce qu’il va expulser : le visible ; qui attirant l’œil nous expulse du visible. Ce noir, source et tombe, s’ouvre ou se ferme en un lieu qui signe l’origine et la fin de son art.

Le réalisme de Courbet outrepasserait la vision sociale du réalisme, de ce « monde qui vient se faire peindre chez moi », pour atteindre une expérience existentielle, détachée de la superficie mondaine. Réaliste Courbet le serait, mais en produisant l'existence d'une réalité externe, indépendante de l’esprit. Le noir serait l’Etre d’un monde extérieur au sujet et existant sans lui. Et si ouvrant un outre-monde qui échappe à la représentation, Courbet était réaliste, en philosophe ?

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Détonement photographique

Vevey, Fribourg, février 2015

Au sortir de sa formation professionnelle, Guillaume Baeriswyl est revenu me voir, comme son ancien enseignant, avec un book de photographies réalisées lors d’un séjour à Londres – destiné à sa candidature en école supérieure d’art. Il souhaitait un court texte qui puisse expliquer ou présenter ses images. J’ai choisi de les entourer.

Nous cherchions un texte qui s’appuie sur des références elliptiques, pour situer sa démarche sans la déterminer ; un texte allusif, qui n’écrase pas les visions de Guillaume sous mon dire ; où chaque phrase est inachevée en sa portée, puisque ce book de photographies est un début. Nous avons trouvé cette forme, mystérieuse pour le lecteur comme pour nous, qui nous a permis de laisser nos desseins ouverts : lui de photographier et étudier, moi d’écrire et de visualiser.

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L’Expérience de l'enseignement

Vevey, Lausanne, IFFP, janvier - mars 2012

Ceci n’est point théorie de l’art. C’est un texte technique sur l’enseignement, répondant aux besoins et normes d’un travail de diplôme IFFP de maître professionnel, par validation des acquis de l’expérience. La spécificité de l’écriture et du contenu pédagogique spécialisé en rend la lecture ardue.

Je présente toutefois ces contenus au public, conscient qu’ils intéresseront avant tout pédagogues ou enseignants, en regard des conclusions de l’expérience de l’enseignement que j’ai pu en tirer. Enseigner n’est pas un geste technique de transmission des savoirs ; c’est une écoute esthétique entre enseignant, savoirs et enseignés, et acte créatif. Ainsi enseigner est art, pratique de l’art comme sculpture sociale et théorie de l’art.

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L’Artifice du totalitaire quotidien

Vevey, Fribourg, novembre 2008

Laura Braillard-Malerba (*1966, vit et travaille à Chénens, Fribourg) est lointaine relation de nos études à l’Ecole supérieure d’art visuel de Genève (devenue HEAD). Automne 2008, elle s’est approchée de moi, se souvenant du distant peintre qui parcourait tous les ateliers, curieux d'autres : installations, art conceptuel, vidéo ; de théorie aussi.

Elle préparait une exposition collective dont je ne connaissais ni les tenants ni les aboutissants, et m’a montré ses vidéos, sans aucun commentaire. Chargé d’en rédiger la présentation, j’en ai tiré cette analyse, ensuite surpris d’apprendre que j’avais ouvert le cœur même de cette exposition. Soyez résolus de ne plus servir et vous voilà libres* était le thème, issu du Discours de la servitude volontaire d'Etienne de La Boëtie, de cette collective, organisée par le centre d’art de Fribourg, FriArt, en 2008-09.

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Théorie de l'image : histoire de l'art | média et communication

Genève, Fribourg, 2000-2006

C’étaient les années héroïques : nous créions une école, l’émaf (école de multimédia et d’art de fribourg), une formation professionnelle de conception en multimédia CFC (devenue interactive media designer) ; avec maturité artistique et ses branches spécifiques de création, culture et art et information, communication.

Alors en charge de la direction pédagogique, penseur du cursus, je fondais l’assise des deux branches théoriques de la maturité et rédigeais ces supports de cours, restés part inachevés. Le temps m’a rattrapé, retardant les suites ; les desseins pédagogiques ont changés, amenant d’autres approches des matières ; le destin nous a happé, transformant une école en continue création en un centre professionnel (eikon) tant étatique qu’établi. Ce motive la mise à disposition de ces cours, faits du passé.

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